Histoire et vocation des Foyers ruraux
L’animation est la vocation première des Foyers ruraux et associations du milieu rural : développer la vie des villages et des territoires ruraux, favoriser les échanges villes/campagnes, le partage et le "faire ensemble" des populations rurales.
Les Foyers et les associations rurales contribuent à la vitalité des territoires ruraux. Du purement festif « convivial » à la formation des individus, en passant par les loisirs ou l’action culturelle, la palette des actions menées par les associations est très variée, avec cependant une prééminence des activités à caractère culturel et sportif.
* Des activités culturelles
La pratique culturelle, parfois artistique, en amateur (théâtre, chant, musique, danse, arts plastiques) se retrouve dans la plupart des associations. Elle est, sans doute plus que tout autre activité, intergénérationnelle. À ce titre et par de nombreux autres aspects (expression et élévation de l’individu, construction et échange avec d’autres, développement des connaissances de chacun, etc.), cette pratique est particulièrement en adéquation avec le projet d’éducation populaire.
À ces pratiques, viennent s’ajouter de nombreuses actions culturelles, les plus variées qui, au-delà du plaisir, apportent le plus souvent un véritable supplément d’âme, et qu’il ne faut donc surtout pas réduire, comme souvent, à du simple divertissement ou à de la seule consommation : diffusion de spectacles de théâtre, soirée conte, festival de musique, atelier d’écriture, etc. Autant d’activités qui participent tant au développement de l’individu, à l’échange entre les habitants qu’à la qualité de vie au village, et par conséquent au développement local, en palliant bien souvent une vraie carence de l’offre culturelle en milieu rural.
* Des activités sportives
Les Foyers ruraux proposent souvent des activités sportives à leurs adhérents. Intergénérationnel lui aussi, le sport est l’activité qui peut revendiquer la plus grande participation et implication, des jeunes, et qui demeure un des facteurs essentiels de l’animation et de la vitalité des communes rurales : sports loisirs, randonnées pédestres, critériums, sports traditionnels, etc. Au niveau national, le secteur sport du mouvement des foyers ruraux est fédéré au sein de la fédération nationale du sport en milieu rural (FNSMR).
Les origines (1936-1946)
Issus du Front populaire, des foyers paysans se mettent en place dans la France rurale, oeuvrant pour les mêmes objectifs mais sans l’idéologie des Jeunesses agricoles chrétiennes (JAC) d’alors : former l’élite du monde rural de demain en assurant aux jeunes paysans une formation technique, humaine et sociale. Ils sont au nombre de 130 à la veille de la seconde guerre mondiale...
Le " foyer paysan de culture et d’émancipation intellectuelle " de St Jean-au-Doigt est créé par un jeune paysan du Finistère, membre de la SFIO et de la Confédération nationale des paysans (CNP, émanation syndicale de la SFIO), François Tanguy-Prigent. Elu député en 1936 (il n’a alors que 26 ans), il devient en 1944 le ministre de l’agriculture et du ravitaillement du général de Gaulle.
Au lendemain de la guerre, le gouvernement de la République s’attache à la reconstitution du pays : outre les missions primordiales de modernisation de l’agriculture, François Tanguy-Prigent oeuvre pour l’accompagnement culturel de la reconstruction et pour l’émancipation de la tutelle religieuse des campagnes, en aidant au développement des syndicats, des coopératives et des foyers ruraux.
Le 13 septembre 1945, les ministères de l’agriculture et de l’éducation nationale officialisent l’existence des foyers ruraux, et la commission interministérielle d’agrément leur octroie une subvention de 30 000 000 F (soit 0,5% du budget du ministère de l’agriculture).
Le 17 mai 1946, au château de Sceaux, une assemblée générale vote les statuts et élit le conseil d’administration de la Fédération nationale des foyers ruraux (FNFR). La FNFR entre alors à la Confédération générale des oeuvres laïques, en gardant son autonomie juridique, et bénéficie de postes d’instituteurs détachés et des services des Fédérations des œuvres laïques...
Les jeunes années, laïcité et parité culturelle (1946-1960)
Parrainée par les ministères, la FNFR bénéficie jusqu’en 1948 d’un " régime de faveur " que lui envient nombre d’associations. Mais avec le départ de François Tanguy-Prigent et le recentrage des gouvernements sous la IVe République, la jeune fédération devra se battre pour maintenir et développer le mouvement des foyers ruraux.
Elle fait l’objet de nombreuses critiques qui émanent tant du monde agricole que de la sphère laïque. En fait, on lui reproche de maintenir son principe de neutralité politique, à une époque où l’unanimisme de l’après-guerre est largement révolu, tandis que la guerre froide ravive les oppositions endémiques.
En cherchant à développer ses propres structures départementales, la FNFR entre en conflit avec la Ligue de l’enseignement et ses fédérations départementales des oeuvres laïques. D’autres conflits éclatent, avec la fédération française des MJC, avec l’Union nationale des foyers ruraux de la famille et des jeunes : à l’évidence, les clivages politiques sont pour le moins présents au sein de la grande famille de l’éducation populaire, bien qu’au niveau local les positions paraisssent moins tranchées.
Pour éviter tout amalgame, les nouveaux statuts de 1952 stipulent qu’à l’exception des coopératives, tous les adhérents des foyers sont des personnes physiques (un foyer rural ne peut pas être un organisme fédérant des associations locales).
Marginalisés sur des actions de formation agricole, les foyers ruraux se recentrent sur une stratégie culturelle autour des " 3D " : Délassement, Divertissement, Développement. De 200 en 1948, on passe alors à un millier de foyers ruraux à la fin des années 50...
La modernisation, la saga de l’animation socio-culturelle (1960-1970)
Les sixties ou l’entrée en modernité : en ces années de pleine croissance, la génération du baby-boom donne un coup de jeune à la France tandis que société de consommation et culture de masse transforment profondément les mentalités.
Nommé ministre de l’agriculture en 1961, Edgar Pisani souhaite accorder une place privilégiée au " capital humain ", et développe le système de formation initiale en construisant lycées et collèges agricoles. Les foyers ruraux, associés à cette politique, se rapprochent des CIVAM (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) et des Foyers de progrès agricole (par la suite CFPPA) afin de coordonner les actions de promotion sociale collective et de formation permanente. Concernant l’animation culturelle, la loi-programme d’équipements socio-éducatifs permet la construction de nouveaux foyers.
En 1964, la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture met à disposition de la FNFR un certain nombre d’animateurs socio-culturels, et la création des FONJEP permet de recruter les premiers permanents des associations.
En 1965, la Direction de l’aménagement aide à l’installation du siège social dans de nouveaux locaux (rue de javel) et à la réalisation du centre culturel et d’accueil à Mittelwihr (Haut-Rhin). Ce centre, ouvert en 1966, offre une importante capacité d’accueil pour la formation des animateurs, les séjours d’été de groupes de jeunes et d’adultes et les rencontres internationales entre jeunes ruraux. Un deuxième centre est programmé à Alenya (Pyrénées Orientales).
Conférences, publications, enquêtes, formations,...les nombreuses productions de la FNFR illustrent la croissance du mouvement et l’évolution des activités de loisirs et de vulgarisation vers l’animation socio-culturelle. Mais à la fin des années 60, la FNFR entre dans une période conflictuelle : démission du secrétaire général, dissensions au sein du bureau national sont les premiers signes d’une crise qui va durer 3 ans et se soldera par l’occupation des locaux du siège national et le renvoi des animateurs mis à disposition par le ministère de l’agriculture. Cette crise traverse en fait de nombreux mouvements d’éducation populaire, et traduit une remise en cause de l’animation socio-culturelle aussi bien que les attentes d’une génération qui revendique la liberté d’inventer. Affaibli, le mouvement applique alors la politique des petits pas et cherche avant tout à retrouver la confiance du ministère...
Structuration et rénovation (1970-1980)
Mai 68 amorce le mouvement d’un retour à la terre, et le milieu rural voit l’arrivée de nouvelles populations, le renouveau des rapports sociaux, l’affirmation de cultures minoritaires et plus généralement l’épanouissement du régionalisme et de l’écologisme.
La FNFR se retrouve dans le débat entre les partisans d’une animation ouverte sur le social et l’économie, et ceux attachés aux activités de loisirs centrés sur le foyer, et par ailleurs dans l’affrontement ruraux/néo-ruraux.
Il reste que le milieu rural apparaît comme le grand délaissé des politiques publiques, mais les nouvelles orientations visent à la revalorisation de la culture rurale.
Dès 1974, la FNFR vit une période d’intense développement : elle connaît une augmentation considérable de ses moyens financiers et humains, et participe activement à la politique de développement culturel mise en place par les pouvoirs publics.
Le mouvement se rénove : structuration des Fédérations départementales et des Unions régionales, réorganisation administrative et comptable, rénovation du système de formation (avec notamment le développement d’Universités rurales) sont quelques-uns des grands chantiers mis en route. La FNFR engage par ailleurs d’importantes réformes statutaires afin de retranscrire dans les textes l’évolution du mouvement.
Cette forte croissance, marquée par de nouveaux champs d’activités et une professionnalisation du mouvement, oblige à repenser le rôle, la place et le statut des individus et des instances sur lesquels repose le mouvement. Ce travail ne va pas sans conflits, par exemple sur la conception de l’animation entre les "foyeristes " (animateurs de foyers) et "ruralistes " (agents de développement)...
Le choix du développement local (1980-1990)
Après une période de forte croissance et de profonde transformation, vient le temps d’une nécessaire réflexion sur le devenir de la fédération : ce sera l’objet des congrès de Vittel (1981), Corte (1982) et Perpignan (1983) à l’issue desquels la fédération s’engage résolument en faveur du développement global du milieu rural.
La période est également marquée par l’alternance politique de 1981. Les 3 premières années du nouveau pouvoir socialiste engagent des mesures en faveur du secteur associatif, une politique culturelle de grande ampleur, la réforme du développement agricole et surtout la régionalisation qui va modifier durablement le paysage. La FNFR mène une politique imaginative et méthodique avec notamment la direction du développement culturel du ministère de la culture, le bureau de l’animation rurale du ministère de l’agriculture et le secrétariat d’état au tourisme.
En 1981, les aides au mouvement progressent d’environ 1 million de francs (pour atteindre un total de près de 5 millions de francs), et 53 postes FONJEP lui sont attribués.
La FNFR continue par ailleurs la gestion des centres d’Alenya et de Mittelwihr, dénommés "centres familiaux de vacances rurales ". Alors qu’elle a rétabli une image de marque tout à fait positive, la FNFR participe à la mise en place du CNVA (Conseil national de la vie associative), et négocie avec le ministère de la jeunesse et des sports l’agrément permettant de recevoir des fonds de formation et de prendre place dans le club des formateurs BAFA/BAFD.
En 1983 est créée la FNSMR, suite à l’agrément de la FNFR comme fédération sportive.
Mais l’approfondissement de la crise économique et la mise en place d’une politique de rigueur à partir de 1983 modifient à nouveau les relations état-associations, caractérisées par une hausse des aides sur projet au détriment des subvention de fonctionnement. La fragilité financière se double pour la FNFR de déficits croissants liés à la gestion des centres d’Alenya et de Mittelwihr. Durant ces années, la FNFR approfondit cependant son projet politique ; elle connaît toujours une forte croissance (2 000 foyers ruraux, 200 animateurs professionnels), développe de nouveaux champs de compétences et travaille aux modifications et adaptations nécessaires de ses structures. Elle décide d’affirmer son identité notamment par la création d’un nouveau logo en 1985.
L’année 1989 ouvre une nouvelle période pour la vie de la fédération : première université rurale européenne, création du service international à Mittelwhir, mise en place du système confédéral (logique adaptation aux évolutions induites par la décentralisation), nouveau délégué général, vente du centre d’Alenya et début de règlement des contentieux financiers...
Du local à l’Europe, comment inventer l’avenir ? (1990-...)
En 1990 la FNFR et d’autres associations rurales se regroupent dans le CELAVAR (Comité d’étude et de liaison des associations à vocation agricole et rurale) afin de créer une synergie sur le développement du milieu rural. Elle signe par ailleurs la charte établie par le Groupe Monde Rural, lequel regroupe 13 organisations d’horizons très divers et au sein duquel se construit une réflexion permanante sur l’espace rural, source de propositions.
En 1991, la publication bimestrielle de la FNFR, " Animer, mon village, mon pays ", créée 10 ans auparavant, est rajeunie. Nouvelle maquette, nouveau titre : "Animer, le Magazine rural", qui traduit sa volonté d’ouverture, tant au niveau du contenu rédactionnel que du public visé.
Cette décennie est avant tout celle du renforcement de la structuration confédérale de la FNFR. Afin d’être davantage en adéquation avec les échelons territoriaux, le niveau régional voit son rôle consolidé et lors du conseil d’administration de Bourges en 1994, une politique de subvention de postes d’animateurs des Unions régionales est décidée.
Dans la continuité de son action internationale, la FNFR crée en 1995 une cellule Europe qui a pour vocation de sensibiliser le mouvement et les habitants du milieu rural aux questions européennes et de faciliter les rencontres et les échanges d’expériences.
En 1996, le mouvement fête son cinquantenaire et le congrès de Rambouillet est l’occasion d’entendre les témoignages de nombreux militants et bénévoles de la première heure.
En janvier 1997 à Boulouris, au cours des journées nationales de formation des élus et professionnels, naît le projet des états généraux du mouvement. Suite à un constat d’évolution importante, voire de crise de la vie associative, il a semblé nécessaire d’interroger les structures locales à travers l’organisation d’une vaste enquête-participation. L’enjeu de ces états généraux a été de permettre à chacun d’interroger, expliquer, analyser ses pratiques et en conséquence redéfinir les fonctions que l’association peut exercer pour le développement des communes rurales. En s’appuyant sur les résultats des Etats Généraux des Foyers ruraux, le mouvement s’est donné 6 orientations principales qui à la fois réaffirment l’engagement citoyen des associations d’éducation populaire ancrées dans les territoires et contribuent à une meilleure lisibilité de leur identité et de leur spécificité.
Les années 2000-2005 sont marquées d’une part par une certaine professionnalisation des structures (avec le dispositif "nouveaux services nouveaux emplois", de nombreuses embauches de jeunes font bouger les villages...) et d’autre part par l’émergence et le développement des NTIC, formidables outils de mutualisation potentiels : la FNFR lance alors son projet @UPRES d’Université Rurale Permanente en ligne des Echanges et des Savoirs.
A la veille de son soixantième anniversaire, la FNFR, subit une diminution de plus de 50% des financements publics sans préavis et sans justification et la menace de la suppression du financement d’une partie des postes FONJEP (Fonds Jeunesse-Éducation Populaire). Dans le réseau, de nombreuses associations locales et fédérations adhérentes craignent de voir leur action entravée et leur situation mise en danger.
Avec une nouvelle équipe d’élus nationaux à partir de 2005, la FNFR lance un vaste chantier de redéfinition du projet, des missions, du budget à travers le projet de Refondation du mouvement.
Mais, durant l’été 2008, la poursuite du désengagement de l’Etat vis-à-vis des associations investies dans l’animation rurale signe la fin du partenariat de la FNFR avec le ministère de l’Agriculture. Une réalité qui imposera un nouveau recentrage de ses activités.